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DROIT COMMERCIAL : Dol dans un contrat de franchise conclu par un franchisé averti

Le 29 janvier 2022
DROIT COMMERCIAL :  Dol dans un contrat de franchise conclu par un franchisé averti
La Cour de cassation juge que le franchiseur qui a fourni à son franchisé un document d’information précontractuelle trop succinct et des comptes prévisionnels grossièrement irréalistes engage sa responsabilité à l'égard du franchisé.

FRANCHISE - INFORMATION PRECONTRACTUELLE PAR LE FRANCHISEUR: L'EXPERIENCE PROFESSIONNELLE DU FRANCHISE NE PERMET PAS D'ECARTER LE DOL 

Engage sa responsabilité pour dol, le franchiseur qui a fourni à son franchisé un document d’information précontractuelle trop succinct et des comptes prévisionnels grossièrement irréalistes, même si le franchisé est expérimenté.

Telle est la solution dégagée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 1er décembre 2021, n°18-26.572.

En l’espèce, l’arrêt confirme la condamnation d’un franchiseur sur le fondement du dol au paiement de 200 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’un de ses franchisés.

Le nœud du problème résidait dans la phase précontractuelle. Le franchiseur avait remis au franchisé un document d’information précontractuelle (DIP) jugé lacunaire en ce qu’il était bien trop succinct pour contenir toutes les informations légales, notamment en ce qu’il ne comportait pas de mentions relatives à l’état du réseau et du marché local. Le franchiseur avait également remis volontairement au franchisé des comptes prévisionnels dont les données ont été jugées grossièrement irréalistes. Ces documents étaient pourtant essentiels au consentement éclairé du franchisé malgré son expérience.

Pour la Cour de cassation, nul doute que la communication de ces éléments erronés a vicié le consentement du franchisé et ce malgré l’expérience professionnelle dont il bénéficiait.

Cet arrêt a été l’occasion pour la Cour de rappeler les exigences précontractuelles d’un contrat de franchise.

Classiquement le contrat de franchise se définit comme le contrat par lequel une personne (le franchiseur) met à disposition d’une autre personne son nom commercial, sa marque ou son enseigne en pouvant exiger « d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité » (C. com. L330-3). En cas d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, le franchiseur « est tenu préalablement à la signature de tout contrat […] de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause ».

Il ressort de la combinaison des articles L330-3 et R330-1 du Code de commerce que ce document d’information précontractuelle (DIP) doit préciser l’état du marché et ses perspectives de développement ainsi que l’importance du réseau.

En plus du DIP, le franchiseur peut fournir au franchisé des documents complémentaires à ceux imposés par la loi (comme des comptes prévisionnels, dans le cas d’espèce), à condition que ceux-ci soient sérieux et sincères. La Cour de cassation tend à le rappeler régulièrement (Cass. Com. 19-1-2010 n°09-10.980 ; Cass. Com. 12-5-2021 n°19-17.701).

Dans la solution d’espèce, le DIP était jugé lacunaire compte tenu des exigences légales et les comptes prévisionnels grossièrement irréalistes. Le franchiseur a donc manqué à son obligation précontractuelle d’information empêchant ainsi son franchisé de contracter de manière éclairée.

On sait déjà par le droit commun des contrats (C. civ. Art. 1130 et suivants) que le manquement à une obligation précontractuelle d’information sur un élément déterminant du contrat peut entrainer un vice du consentement pour erreur ou dol, autorisant le cocontractant à demander l’annulation du contrat et des dommages et intérêts dans le dernier cas.

Dans cet arrêt, c’est l’application qui en est faite. En se basant sur la transmission volontaire de documents complémentaires irréalistes, la Cour de cassation a pu caractériser une volonté de tromper le franchisé sur la situation réelle de manière à emporter son consentement.

Ce qui est particulièrement intéressant dans cet arrêt, à la faveur du franchisé, c’est qu’il n’est fait que peu de cas de l’expérience professionnelle de la victime du dol à qui il aurait pu être opposé sa qualité de personne avertie. En d’autres termes, même si le franchisé est un professionnel du secteur au même titre que son franchiseur, son erreur est forcément excusable dès lors que les informations transmises par le franchiseur étaient erronées.

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